Charlotte Kalala, fondatrice du festival Congo Na Paris

Charlotte Kalala, Congo Na Paris

Lancé en 2016, le festival Congo Na Paris a confirmé l’attrait pour la culture congolaise en France. Rencontre avec Charlotte Kalala, sa fondatrice qui prépare la troisième édition.

Charlotte Kalala, Congo Na Paris

En 2016, lors de la très solennelle cérémonie des Victoires de la musique, Maître Gim’s interprète ce qui deviendra officiellement le tube de l’année « Sapés comme jamais » accompagné de sapeurs sur scène. Au dernier refrain, le bassiste part en sebene, cette longue performance solo à la guitare électrique essentielle à la rumba congolaise. Ce qui devrait être un live télé anodin fut chargé de symboles.

En effet, la culture congolaise a pénétré le grand public comme rarement d’autres cultures africaines en ont eu l’opportunité en France. Les succès de Maître Gim’s, Niska ou Youssoupha avec leurs expressions en lingala et leurs rythmes afro sont des tubes nationaux, les reportages sur les sapeurs se sont multipliés à la télévision et l’exposition « Congo Kitoko » de la Fondation Cartier a attiré plus de 100 000 personnes.

Au mois de mai dernier, Charlotte Kalala et son équipe lançaient la première édition de Congo Na Paris. Un événement hybride alliant culture, business et dynamique sociale autour de conférences-débats et spectacle vivant pour célébrer les cultures congolaises.

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« L'objectif c'est de braquer les projecteurs sur tout ce qu'il y a de positif sur le Congo, de montrer l'Afrique qui gagne »

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« Depuis 2010, je fais des allers-retours au Congo. Je me suis rendu compte qu’on avait une très mauvaise image du pays, de la population et de la diaspora. De tout ce qu’on avait pu me dire, j’ai rencontré une autre réalité. » Frustrée de ne voir qu’une partie stéréotypée de son pays d’origine mise en avant, Charlotte réfléchit à un événement pour témoigner de sa richesse culturelle.

« J’en ai discuté avec certaines personnes pour monter le projet. Quand on parle du Congo, très vite ça rassemble, des personnes ont été intéressées ». Constituée en association, l’équipe est composée d’une quinzaine de bénévoles. « Chacun essaye d’apporter ses compétences au service du projet ». Pendant 2 ans, elle cherche le meilleur format avec pour objectif de faire découvrir « la diversité des cultures congolaises, des opportunités, des talents ».

« Au départ, on pensait juste faire une petite conférence pour parler du Congo. Mais, il y avait tellement de choses à dire, donc on est parti sur 2 jours. Au final, on a décidé de restreindre à 5 univers : le business, le tourisme, la dynamique sociale, la culture et la gastronomie. Comme ça, on pourra montrer un petit aspect du Congo ». Rapidement, le projet prend de grandes envergures et le public est emballé. Malgré deux annulations, la première édition du festival en mai 2017 rassemble plus de 1600 personnes. « Je ne parlerai pas de succès. On a fait quelque chose auquel beaucoup de gens ne croyaient plus, on a été découragé, on s’est sacrifié financièrement, personnellement. » Preuve de la viabilité du projet, des entreprises comme Western Union ou A+ Afrique se sont associées à Congo Na Paris. « Ce sont des entreprises qui souhaitent avoir de la visibilité en France ou au Congo ».

Congo Na Paris, 2016

« C'est pas du communautarisme en soi, la France c'est aussi de la diversité. On est très présent dans la culture aujourd'hui. La France évolue, on montre qu'on est là »

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Pourtant Charlotte n’était pas spécialement attirée par le Congo à la base. Née à Kinshasa, elle arrive en France à 6 mois et ne connait que peu de choses de son pays d’origine. « Ma vision de l’Afrique, c’était un peu ce que je voyais à la TV. Je faisais partie de ces gens qui pensaient qu’il y avait des animaux dans les rues ». C’est au contact d’étudiants africains dans son école qu’elle éprouve le besoin de renouer avec sa culture d’origine. « Je suis entrée à l’INSEEC et j’étais dans une promo avec énormément de jeunes africains, je n’étais jamais partie en Afrique et ils m’ont donné l’envie et l’amour de connaître l’Afrique. A mon arrivée, j’ai été agréablement surprise, ma vision du monde a totalement changé ». Elle décide alors de rester 6 mois pour un stage et constate une réelle divergence entre la diaspora et les congolais de l’intérieur. « On est différent, on a notre confort parisien, on a étudié pour certains. Tout le monde m’appelé la « mundélé » » (la blanche en lingala). « Ce qui est drôle c’est qu’ici on est persuadé qu’on est congolais, qu’on connait tout qu’on maîtrise tout et une fois là-bas on se rend compte qu’on ne connaît rien du tout. J’ai découvert une culture différente, des plats nouveaux… ».

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« Le Congo est un grand pays avec plus de 80 millions d’habitants, la diaspora est partout. En France, on représente environ 100 000 personnes »

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A la fin des années 90, le Congo-Kinshasa est en proie à de nombreux conflits. Après 30 ans de dictature, un coup d’Etat force Mobutu à fuir le pays. Cette instabilité politique amène une partie de la population à émigrer. « L’histoire de la communauté congolaise fait qu’on s’est exporté partout. On est parti avec ce patriotisme, cette fierté ». Depuis, cette génération française originaire des deux Congo s’est fait connaître du grand public à travers la musique (Maître Gim’s, Niska, Keblack, Naza, …), la comédie (Dycosh, Jaymax, …) et le sport (Matuidi, Kimpembé, Mangala …).

Dans notre pays où les cultures étrangères sont souvent rejetées, cette nouvelle génération pas forcément militante souhaite se réapproprier les codes culturels de manière décomplexée. « La vraie politique, c’est de s’occuper des citoyens, de notre bien-être. Comment faire pour qu’on se sente mieux ? ». « Il y a des problèmes d’identité, ne nions pas les choses. La diaspora, c’est des français d’origine congolaise. C’est des jeunes qui ont deux cultures, il ne faut pas la nier. Plutôt que de la nier, et que ça crée des frustrations, il faut la vivre pleinement ».

Elle encourage les personnes à saisir leur double culture entre « terre d’origine » et « terre d’accueil ». « J’aimerai que d’autres pays puissent s’inspirer de Congo Na paris, pas forcément africains, qu’on ait la journée de l’Uruguay, du Portugal … ».

Pour la suite, Charlotte sait parfaitement où elle veut aller. « On a travaillé sur une évolution sur 5 ans. » Sans en dire plus. On notera un petit indice. « Si demain, Congo Na Paris devient comme la Japan Expo, j’aurais gagné ».

Pas de distinction entre Congo-Kinshasa et Congo-Brazzaville

« Au départ, c’est vrai que c’était centré sur le Congo-Kinshasa et ensuite on est parti d’un principe simple. Depuis des années, on nous divise alors que dans le fond on est une même famille. Congo Na Paris c’est aussi un moyen de rassembler. On ne fait pas de réelle distinction, on parlera toujours d’un Congo, et on précisera s’il s’agit de Brazzaville ou Kinshasa mais on essaye d’éviter de dire les deux Congo. »

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